19 mai 2024

Manifeste

Manifeste du Grand Orient Arabe Œcuménique (GOAO) par Idriss ABERKANE

Idriss ABERKANE est un ancien élève de  l’École Normale Supérieure (rue d’Ulm), Docteur du CEDS , ancien chercheur associé à Stanford, doctorant à l’École Polytechnique et Chargé de cours à l’École Centrale de Paris.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Idriss_Aberkane 

Un pont entre Orient et Occident

Adopté à Londres le 16 novembre 1945, l’Acte Constitutif de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) déclare:

Que, les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ;

Que l’incompréhension mutuelle des peuples a toujours été, au cours de l’histoire, à l’origine de la suspicion et de la méfiance entre nations, par où leurs désaccords ont trop souvent dégénéré en guerre ; c’est dire s’il est essentiel de bâtir des ponts entre les traditions et les cultures, spécialement entre leurs sociétés initiatiques qui, pour leur part de secret, s’ignorent mutuellement.

Nous savons que l’ignorance mène à la peur, et que la peur mène à la guerre.

Il y a des vies à sauver à bâtir des ponts, qui soigne les civilisations, plus de vies qu’il n’y en a même dans la médecine, qui soigne les individus.

Atteinte l’espace d’un instant sous Alexandre le Grand, l’unité politique entre Orient et Occident n’a plus jamais tenue qu’à un fil à travers les âges.

En 797 trois représentants des trois religions Abrahamiques se retrouvaient par cadeaux interposés: un diplomate juif, Isaac, un empereur chrétien, Charlemagne, et le chef politique du monde musulman, le Calife Haroun al Rashid.

Parti d’Aix la Chapelle Isaac revint de Bagdad via Jérusalem avec, entre autres cadeaux à Charlemagne, une horloge à eau et un éléphant blanc

En 1536 naît la plus longue alliance stratégique de l’Histoire de France:

l’Alliance Franco-Ottomane conclue entre François 1er et Soliman le Magnifique, qui allait durer plus de deux cent cinquante ans.

Les Archives Nationales détiennent une lettre datée de 1528 par laquelle Soliman atteste de la protection des chrétiens en terres musulmans, un des précurseurs à la conclusion de l’alliance. Détail de la lettre adressée à François 1er par Soliman le Magnifique assurant la protection des chrétiens sur ses terres, datée de 1528.

Plus de trois cent ans plus tard – de 1848 à 1852 – l’Emir Abd el Kader était assigné à résidence au château Royal d’Amboise, entre la mémoire de François 1er et la tombe de Léonard de Vinci. Un jardin d’orient commémore les membres de sa suite morts en France; vingt-cinq pierres d’Alep y sont gravées de messages de paix tirés du Coran. L’entrée du Château Royal se fait aujourd’hui par la Montée de l’Emir Abd el Kader. Outre-Atlantique une ville de l’Iowa porte le nom de l’Emir – Elkader. Le Président Abraham Lincoln lui offrit deux revolvers Colt après l’avoir honoré comme protecteur des chrétiens à Damas.

Abd el Kader, soufi enterré auprès de son père spirituel Ibn Arabi à Damas, était Grand-Croix de la Légion d’Honneur et titulaire de l’Ordre de Pie IX. Choix délibéré pour mieux comprendre l’identité de la France moderne en train de se faire, il était devenu Franc-Maçon.

De l’Emir Bruno Etienne écrira qu’il était ainsi l' »isthme des isthmes » (Barzakh al-barazikh), isthme entre Orient et Occident, comme Rumi écrivait de l’Homme qu’il est un « isthme entre ombre et lumière », ce que l’Emir exprimera ainsi dans le Livre des Haltes :L’âme est un isthme entre les ténèbres du cosmos et la lumière de l’intellect

Au 17ème Sir Christopher Wren (1632-1723) énonçait ce qui allait être connu comme « théorie sarrasine de l’architecture gothique ».

Le Franc-Maçon, grand architecte de la cathédrale de Saint Paul à Londres, lui-même largement influencé par l’architecture mauresque et ottomane, concevait que les anciens frères maçons, bâtisseurs de cathédrales durant le haut Moyen Âge, avaient transmis à l’identité Européenne de nombreux savoir-faire à travers l’Orient, parfois venus d’aussi loin que l’Inde, la Chine ou le Cambodge… (…)comment peut-on leur [les Goths] attribuer un style architectural qui a été introduit au dixième siècle de notre ère?

Plusieurs années après la destruction de ces royaumes que les Goths avaient érigés sur les ruines de l’empire Romain, à une époque où le nom même de Goth avait été entièrement oublié: de toutes les marques d’une architecture nouvelle il ne peut qu’être attribué aux Maures; ou, ce qui revient au même, aux Arabes ou Sarrasins, qui ont exprimé dans leur architecture le même goût que dans leur poésie

Les frères bâtisseurs de cathédrales organisés en « franc-maçons », c’est à dire travailleurs libres et libres de circuler de chantier en chantier, sont parmi les ancêtres revendiqués de la Franc-Maçonnerie moderne, à l’époque où elle allait malheureusement devenir bien plus spéculative qu’opérative après la fondation de la Grande Loge Unie d’Angleterre (UGLE) en 1717.

On connaît plusieurs soufis franc-maçon aux 19èmes et 20èmes siècles.

René Guénon (1886-1951) ou Sir Richard Francis Burton (1821-1890), l’explorateur qui parlait plus de 27 langues et dialectes, auteur du monument littéraire The Kasidah of Haji Abdu el Yezdi..

Burton rencontrera l’emir Abd el Kader à Damas; toute sa vie il aura été un pont entre les traditions et les cultures.

Sir Fairfax Leighton Cartwright (1857-1928) était également un soufi, qui rapporte son expérience mystique dans The Mystic Rose of the Garden of the King.

Le diplomate qui mettra l’Europe en garde contre l’imminence de la Grand Guerre, titulaire de l’Ordre de Saint Michel et Saint George et du Royal Victorian Order était très probablement un maçon.

Les traditions ont sans cesse besoin d’être ravivées

Ce que nous pouvons retenir de l’histoire des sociétés humaines, et de l’histoire adamique dans les différentes religions, c’est que les traditions ont sans cesse besoin d’être renouvelées.

Il est un point essentiel à l’identité des trois religions Abrahamiques:

l’Islam, le Christianisme, le Judaïsme, c’est qu’elles reconnaissent toutes qu’Adam, le tout premier homme, était élevé au rang de la Prophétie.

Ainsi le tout premier homme, loin d’être ce que l’on allait appeler plus tard un païen, un infidèle, un goy ou un profane, était un proche de Dieu. Ce message, qui est à méditer par toutes les religions et plus particulièrement par les religions Abrahamiques qui se font sans cesse la guerre, l’est bien sûr par le maçon, quelle que soit sa religion, car l’état d’initié est l’état naturel, fondamental de l’homme.

Selon les musulmans (qui nomment cette conscience première Fitra) comme selon Platon, l’Homme naît initié; l’initiation terrestre n’est qu’un moyen parmi d’autres de le lui rappeler.

Ainsi au sens spirituel, que doit méditer tout membre de société initiatique, le profane n’existe pas. S’il y a eu d’autres messagers qu’Adam par la suite – reconnaissant les religions Abrahamiques – c’est avant tout pour raviver son héritage d’unité dont les dépositaires mêmes avaient trahi l’esprit au profil de la lettre, l’âme au profil du corps.

Ce sont très souvent les « gardiens du temple » en effet qui sont les plus prompts à trahir le ravivage de leur tradition, c’est à dire la transmigration de son esprit, intemporel, dans le nouveau corps des conditions de l’époque, car les traditions se réincarnent en permanence.

Combien de temps a-t-il fallu à Martin Luther King Jr pour être reconnu comme un trésor de l’identité Nord Américaine?

Celui qui – par le seul jeu tragique des incompréhensions mutuelles – était resté en conflit avec un des plus puissants frères de son temps, se tient aujourd’hui en majesté au 1964 Independence Avenue à Washington. Les quatorze inscriptions qu’il porte pourraient être un guide de conduite pour le maçon au 21ème siècle, transmises par un être de paix qui n’était pas maçon lui-même, mais qui avaient mieux compris que tous les frères de son temps ce que l’esprit de la maçonnerie voulait dire.

Je souhaite de tout mon cœur que l’esprit de Martin Luther King soit attentivement présent aux cœurs de tous les francs-maçons du monde, spécialement dans ces moments critiques où il leur sera donné de décider ou non d’une guerre, alors même que l’esprit de la franc-maçonnerie est l’exercice de la fraternité, exactement comme Martin Luther King la décrit « ecumenical rather than sectional »  d’où le terme de Grand Orient Arabe Œcuménique.

Nous avons numéroté ces déclarations ici parce qu’elles constituent – pour chacune d’elle et pour son ensemble – la meilleur formulation possible d’une constitution du GOAO, auxquelles nous pourrons nous référer à tout moment, et aussi longtemps que le GOAO existera physiquement. Cette Constitution, cette Charte, est la suivante:

I. We shall overcome because the arc of the moral universe is long, but it bends towards justice. »

II. « Darkness cannot drive out darkness, only light can do that. Hate cannot drive out hate, only love can do that. »

III. « I believe that unarmed truth and unconditional love will have the final word in reality. This is why right, temporarily defeated, is stronger than evil triumphant. »

IV. « Make a career of humanity. Commit yourself to the noble struggle for equal rights. You will make a greater person of yourself, a greater nation of your country, and a finer world to live in. »

V. « I oppose the war in Vietnam because I love America. I speak out against it not in anger but with anxiety and sorrow in my heart, and above all with a passionate desire to see our beloved country stand as a moral example of the world. »

VI. « If we are to have peace on earth, our loyalties must become ecumenical rather than sectional. Our loyalties must transcend our race, our tribe, our class, and our nation; and this means we must develop a world perspective. »17 VII. « Injustice anywhere is a threat to justice everywhere. We are caught in an inescapable network of mutuality, tied in a single garment of destiny. Whatever affects one directly, affects all indirectly. »

VIII. « I have the audacity to believe that peoples everywhere can have three meals a day for their bodies, education and culture for their minds, and dignity, equality and freedom for their spirits. »

IX. « It is not enough to say « We must not wage war. » It is necessary to love peace and sacrifice for it. We must concentrate not merely on the negative expulsion of war, but on the positive affirmation of peace. »

X. « The ultimate measure of a man is not where he stands in moments of comfort and convenience, but where he stands at times of challenge and controversy. »

XI. « Every nation must now develop an overriding loyalty to mankind as a whole in order to preserve the best in their individual societies. »

XII. « We are determined here in Montgomery to work and fight until justice runs down like water, and righteousness like a mighty stream. »

XIII. « We must come to see that the end we seek is a society at peace with itself, a society that can live with its conscience. » (16 April 1963, Birmingham, AL)

XIV. « True peace is not merely the absence of tension: it is the presence of justice. » (16 April 1963, Birmingham, AL)